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Rencontre avec Femmes Semencières et Deepika Kundaji

« Femmes semencières » est une association issue de la rencontre entre Claire Chanut et Pierre Rabhi: « Depuis toujours, la semence est l’essence de la Vie, la clé de la souveraineté alimentaire et les femmes en sont les gardiennes. Le mouvement Femmes Semencières est né à la demande de Pierre Rabhi. Son objectif est de relier toutes ces femmes pour faire vivre les projets de reproduction et de conservation des semences Libres. » Deepika est l’une de ces femmes semencières et gardienne de la vie, qui agit en Inde et qui inspire force, sagesse, courage !

 

Conférence Juin 2014 – Forum 104 – Paris


Quel avenir sans semences fertiles?

 

Je dois bien avouer que j’ai été étonnée du peu de personnes présentes à cette conférence qui a eu lieu à Paris près de Montparnasse. Nous étions une petite quarantaine je pense. Néanmoins, cette conférence a tout de même duré plus de 2h30 et a été passionnante! Certaines personnes présentes l’avaient déjà rencontrée en Inde. La conférence était en anglais, mais heureusement pour moi, traduite aussi en français! Deepika nous a accueillis les pieds nus et avec diffusion d’encens: le ton était donné! C’est la première fois, qu’elle quittait l’Inde pour venir en France: je peux vous dire que je suis encore honorée d’avoir pu participer à l’une de ses premières conférences françaises et de l’avoir rencontrée de visu!

 

Pebble Garden – Inde

La surface de l’Inde totalise 328Mha dont 147Mha de surfaces dégradées à cause de l’urbanisation et de la déforestation, soit près de la moitié: le constat est alarmant… Deepika  s’est installée avec Bernard, son mari (d’origine Belge) à Auroville dans le sud-est de l’Inde (près de Pondichéry). Le statut des terres à Auroville est original: ce ne sont pas les paysans qui sont propriétaires de leurs terres: c’est Auroville qui leur en donne la gérance. Ainsi, Deepika et Bernard s’occupent de 3 Ha de terres depuis 19 ans.

A leur arrivée, le sol était totalement érodé, la roche était à nue. Or si un bon sol donne de bonnes semences, la biodiversité, perdue sur le site, permet d’avoir un bon sol et donc… de bonnes semences. Sur un sol sans humus, donc sans bactérie, les déchets organiques ne sont plus dégradés et sont obligés d’être brûlés! Quelle ironie quand on sait que ces déchets organiques font l’humus « en temps normal » !

 

Face à ces constats, Deepika et Bernard ont décidé de créer Pebble Garden sur leur 3Ha de terres (littéralement « Le Jardin de Galets », car leur sol était constitué principalement de galets). Leur principal objectif? Reboiser, recréer du sol et pourquoi pas créer par la suite un potager… Oui mais pas n’importe comment… En effet, qui dit sol, dit terre et compost… Deepika et son mari sont allés jusqu’au bout de leur éthique et n’ont pas voulu « emprunter » de la terre ou du compost aux agriculteurs alentours puisque cela signifiait leur enlever de la terre… ressource précieuse et recherchée en Inde. Recréer un sol pour en détruire un autre n’était pas leur philosophie!

 

La forêt: Ils ont observé qu’une espèce pionnière, un acacia, pousssait au milieu des galets… Ils ont commencé à en planter, puis au fur et à mesure que les acacias grandissaient, ils ont utilisé toutes les ressources que cet arbre leur offrait ( les rameaux, les feuilles, l’écorce…) afin de ramener la vie et du sol. Les photos avant/après que Deepika nous a montré sont saisissantes. Sans import de terre ou de compost, ils ont aujourd’hui recrée une véritable forêt avec un vrai sol. En 19 ans seulement…

Le potager: Quand Deepika et son mari ont vu que la reforestation fonctionnait, ils ont voulu créer un potager (qui demande plus de besoins qu’une forêt). Pour cela, encore une fois, ils ont utilisé leurs propres ressources disponibles sur place pour créer un sol: feuilles d’acacia, limon et charbon de bois d’acacia. Ces différents éléments ont été associés sous une certaine forme de « lasagne » (plusieurs couches)
qui donnent un minimum de 12 cm de sol. Ils y ont semé des végétaux de différentes espèces afin de créer un sol riche grâce à l’engrais vert que constitue les plantes. (les végétaux ne demandent pas les mêmes besoins et redonnent donc aux sol en se dégradant, différents minéraux selon les espèces). Aujourd’hui, le jardin potager fait 2000m².

Les graines: Le potager crée, un sol riche revenu, Deepika et son mari ont voulu faire plus. L’association Française Kokopelli  a eu une grande influence sur Pebble Garden et aujourd’hui le jardin potager est entièrement dédié à la production de semences afin de recréer une diversité et ne pas perdre les variétés anciennes. Pebble Garden est devenu une vraie banque de semences, avec 90 variétés qu’elle divulgue. Les paysans alentours leurs donnent aussi des semences que Deepika et Bernard reproduisent afin de les faire perdurer…

 

Voila donc une très belle réalisation dans une éthique et philosophie complète! Une parcelle de sol nu, sans vie, qui accueille, forêt, potager et semences fertiles 19 ans après… et tout celà,  sans l’apport de terre ni d’intrants. Chapeau Bas!