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Interview de Mathieu Koenig, permaculteur en Ariège

Amis lecteurs qui aimez le jardin, sans doute avez-vous déjà entendu parler de la notion de permaculture? Nous sommes allés à la rencontre de Mathieu Koenig du Jardin « Le Papillon des Sources« . Jeune maraîcher, proche de la nature et à son écoute, il est à l’image de son jardin de montagne ariégeois: sans prétention, tout en humilité et riche d’abondance! Et si vous avez des envies de woofing, il ouvre ses portes à l’échange et au partage!

 

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- Comment es-tu venu à la notion de permaculture?

C’est en découvrant le livre du japonais Masanobu Fukuoka qui s’intitule «La révolution d’un seul brin de paille» que tout à commencé. Je me demandais souvent aussi : pourquoi labourer, utiliser des engrais/pesticides quand on voit la luxuriance des arbres et des plantes en milieu naturel. Ce qu’il pratiquait était «l’agriculture naturelle». La notion de permaculture est encore différente car elle comprend l’agencement de son milieu, on est dans une aspiration profonde de vouloir coopérer avec le vivant pour répondre à nos besoins tout en prenant en considération le besoin de tout les êtres vivants qui vivent autour de nous.

 

 

 

 

- Comment vois-tu le jardin, comment le considères-tu? Est-ce un mix de jardin d’agrément et de jardin potager?

 

Le jardin potager «classique» est pour beaucoup de personnes un lieu où l’on produit sa nourriture pour répondre à ses besoins. Quand on souhaite s’approcher de l’esprit de la permaculture, on considère cela avant tout comme un lieu de respect, d’observation, on regarde comment la nature fonctionne et on essaye de s’harmoniser avec elle. C’est de l’agencement en vue d’un équilibre progressif de l’homme avec la nature, de son autonomie et autosuffisance complète.

 

 


- Tu t’inspires de beaucoup de mouvements « jardiniers », notamment celui de M. Fukuoka. Pourquoi? Comment le mets-tu en pratique?

 

M.Fukuoka était un microbiologiste des sols de formation, il a réussi pendant plus de 40 ans à cultiver sans aucun labourage, pesticide et engrais chimique. C’était quelqu’un qui remettait tout en question sur l’agriculture conventionnelle, il avait ce souhait de vouloir retourner à l’essentiel. Sa philosophie de vie était inspirée du Tao et du ‘non agir ». Pourquoi devons-nous autant lutter contre la nature pour arriver à nous nourrir ? Il a voulu tout reprendre depuis le début en commençant ses expériences par des semis direct de céréales en plein champs puis par la suite en faisant des boulettes d’argile avec ses graines et en remettant toujours la paille après chaque culture, ainsi le sol est devenu de plus en plus fertile avec le temps. Il utilisait aussi du trèfle blanc car c’est une plante fixatrice d’azote qui enrichit le sol et repousse les adventices.

Ici au jardin, j’ai essayé de reprendre son travail en cultivant du maïs doux en rotation avec de la moutarde, les recherches avancent mais cela demande beaucoup de patience et d’être très observateur quant aux cycles des plantes et du milieu où l’on cultive.

 

 


- Ton jardin est en perpétuel test, tu apprends tout le temps: est ce plutôt gratifiant, frustrant, amusant…?

 

C’est toujours enrichissant de voir comment la nature nous donne des réponses à nos expériences et nos intentions. Il y a parfois des déceptions mais dans l’ensemble il suffit de prendre le temps d’observer ce qui se passe pour avancer, le message à garder en conscience est d’aller le plus possible dans le sens de l’équilibre global.

 

 


- En ce moment, tu es en train d’expérimenter sur la « période des semences et des semis »… peux tu nous en dire plus?

 

On a l’habitude de fonctionner avec un calendrier des semis précis qui s’étale de tel à tel période. C’est utile de connaitre ces informations mais on oublie souvent une chose importante : le cycle naturel des plantes. Le fait d’observer quand une plante pousse, qu’elle produit ses graines et qu’elle se ressème d’elle-même est un facteur important. Si on observe et qu’on suit le cycle naturel des semis au fur et à mesure des années et en fonction du lieu où on cultive, on y gagne en santé des plantes, elles sont plus vigoureuses, montent en graines au bon moment etc..

 

 


- Situé en Ariège, à 600m d’altitude au pied des montagnes, est ce que le jardin est plus difficile à gérer? Quels conseils pourrais-tu donner pour les jardins de montagne?

 

En montagne, on peut envisager d’aménager des terrasses de culture pour que la matière organique puisse se stabiliser avec le temps à l’endroit où l’on cultive, quand un terrain est en pente, la matière organique à plus de mal à se stabiliser. Pour des cultures qui demandent du soleil comme les cucurbitacées, on peut envisager de mettre des pierres sur le sol pour garder la chaleur. Ici, le sol offre une terre naturellement très riche, le soleil manque en début d’année mais à partir du mois d’avril, on a un bon ensoleillement journalier qui dure tout le printemps et l’été.

 

 


- Cette année, tu as essayé plusieurs techniques de plantations de pommes de terre et tu fais des essais sur tes tomates… Peux-tu nous en parler et nous dire quels sont tes premiers ressentis?

 

Nous avons expérimenté, pour la première fois, une culture de pommes de terre sans labourage, c’est-à-dire : directement à même le sol, sur le gazon, par la suite on a simplement recouvert chaque pommes de terre de terreau des toilettes sèches de l’année dernière et appliquer par-dessus de la tonte de pelouse fraiche. Peu de temps après, les pommes de terre ont commencé à pousser vigoureusement. Il a fallu simplement ajouter de temps en temps de la tonte de pelouse pour recouvrir les adventices tout autour et butter également les pommes de terre. J’attends avec impatience de voir l’état du sol sans aucun labourage et de faire une rotation de culture avec d’autres plantes.

Pour les tomates, je souhaitais vraiment respecter la plante au maximum pour qu’elle soit plus vigoureuse. Le fait d’enlever les « gourmands » des tomates fragilise la plante, cela occasionne des plaies et les maladies s’installent plus rapidement dessus. Alors j’ai opté pour une solution : construire des « tours à tomates », l’idée est que la plante peut croitre en hauteur en « buissonnant » et durant sa croissance, aucune intervention n’est à faire si ce n’est que de remettre de temps en temps les tiges des tomates à l’intérieur de la tour. On peut aussi faire grimper d’autres plantes en association comme par exemple des pois ou haricots qui peuvent servir de fixateur d’azote et aussi des tagètes nématocides (œillet d’inde géant) pour repousser les nématodes et autres parasites. Cependant, il faut faire attention à ne pas concentrer trop de plantes pour éviter que la tomate soit trop en contact avec l’humidité des autres plantes avoisinantes.

 


- Comment gères-tu l’arrosage? Et les adventices?

 

Je ne fais aucun arrosage au jardin, seulement au moment du semis et du repiquage. Les buttes perpétuelles qui sont réalisées avec du bois à l’intérieur gardent bien l’humidité avec le paillage dessus. Le bois joue le rôle d’une éponge: quand il pleut le sol se gorge d’eau et le bois aussi, les racines des plantes profitent à la fois de la matière organique du bois et de son humidité. Néanmoins, il faut conserver une bonne épaisseur de paillage durant les période chaudes, autrement l’humidité peut partir assez vite. Si on respecte bien cette technique, les vers de terre sont toujours actifs pour venir décomposer la matière organique en surface et nourrissent la terre en créant une litière d’humus parfaite pour la croissance des plantes.

 

Mis à part le liseron qui arrive à se glisser à travers le paillage, très peu d’adventices arrivent à pousser quand il est assez épais (20cm), on a peu d’entretien à faire.

 

 


- Tu essaies aussi d’avoir des plantes potagères perpétuelles…. Quelles sont tes « vedettes »?

 

Parmi les perpétuelles, il y a le chou daubenton qui est vraiment un légume intéressant car il produit beaucoup de feuilles qui servent de nourriture pour notre consommation et aussi pour celles des insectes, limaces etc.. Il se régénère facilement, même après une grosse attaque !

 

La livèche (un céleri perpétuel) est très agréable aussi pour parfumer les ratatouilles ou soupes…

 

L’année prochaine, je souhaiterai planter de la poire de terre, qui comme le topinambour, est un légume qui repousse spontanément chaque année à partir de la racine et à une production importante de tubercules, c’est un légume idéal quand on souhaite se rapprocher d’une autosuffisance alimentaire.

 

 


- Ton jardin est riche en diversité de plantes…. et je suppose d’auxiliaires. Comment tout ce petit monde se côtoie t-il?

 

Dernièrement, un crapaud a élu domicile sous un paillage de feuilles sur une des parcelles que j’avais fais au jardin ! Ce sont des bons régulateurs, ils mangent limaces, fourmis etc.. La bourrache s’est aussi installée depuis quelques années, les abeilles l’adorent, et quand sa croissance devient trop vigoureuse, je la fauche et la mets sous mon paillage pour apporter plus d’humidité et de matière organique si besoin car elle est gorgée d’eau.

 

Les hôtels à insectes sont aussi un très bon moyen de favoriser une bonne biodiversité dans son jardin ! Plus la vie est présente, riche et diversifiée, mieux se portera l’ensemble.

 


- Une partie de ton jardin est constitué de buttes: comment les as-tu confectionnées?

 

C’était une sacrée aventure pour réaliser toutes ces buttes au jardin ! Elles ont été réalisées avec du bois en décomposition de la forêt et toutes sortes d’essences différentes. Au départ, il a fallu creuser et déplacer la terre sur 50 cm de profondeur et 1m de large (c’est la seule fois où on touche à la vie du sol) déposer tout le bois à l’intérieur, mettre de la matière organique par-dessus pour calfeutrer les trous (étape très importante pour éviter les puits d’évaporation) et recouvrir enfin d’un paillage fait d’un mélange d’herbe et de branchages

 


- Quels sont tes péchés mignons quand tu te promènes dans ton jardin?

 

En ce moment : les framboises, les fraises et les mûres, un vrai délice au petit déjeuner ! Petite plante étonnante aussi : l’épinard fraise qui produit une grappe de petits fruits rouges avec un gout à mi-chemin entre l’épinard et la fraise !

 

- Tu accueilles volontiers des woofers, un petit message pour nos lecteurs qui pourraient être intéressés?

 

Le Wwoofing, c’est un bel échange car des gens de tout horizon peuvent apprendre ici par la pratique : la vie d’un lieu, les bases de la permaculture etc.. C’est un peu comme un stage d’apprentissage et on peut repartir avec beaucoup d’informations. Pour l’hôte, cela lui permet de concrétiser ses projets de vie. C’est toujours un plaisir de partager le retour d’expérience que j’ai pu avoir sur ce jardin, comment on l’a aménagé, pourquoi, les expériences qui ont bien fonctionné, etc… Si la motivation et l’envie de partager est dans le cœur des hôtes et des wwoofeurs, cela ne peut qu’être enrichissant pour chacun !

 

Envie de woofer en Ariège dans le jardin du Papillon des Sources?
C’est par ici: https://app.wwoof.fr/host/3255