Avant de lire l’interview, allez (re)visiter le jardin de Christophe avec Vert-Citron! (Juillet 2015):
- Peux-tu nous rappeler rapidement ton parcours? Comment es tu devenu herbaliste ?
Je suis ingénieur de formation. J’ai suivi un parcours traditionnel à la française – classes préparatoires, école d’ingénieur. Puis je suis parti travailler aux Etats-Unis. Entre temps, les plantes médicinales, qui étaient jusque là enfouies dans mon passé de gamin provençal, ont refait surface. Pendant que je travaillais dans un cube de béton et que je passais la moitié de mon temps dans des avions, les plantes prenaient de plus en plus d’ampleur dans mon esprit. Je commençais à acheter un livre, deux livres, vingt livres. Je commençais à ramasser des plantes sauvages, à les transformer. Il n’y avait plus assez de placards dans la maison pour entreposer les bouteilles de teinture. J’ai ensuite entrepris une reconversion, d’abord au travers d’études d’herbalismes, puis très rapidement au travers d’une petite pratique de conseil le week-end. Cette pratique du week-end se transformera plus tard en une pratique à plein temps et en la naissance d’Althea Provence, mon site principal me permettant d’exprimer mes vues sur la toile. En parallèle, en 2010, je quitte les Etats-Unis et décide de retourner à mes sources, la Provence, afin de retrouver le thym, le romarin et les villages de mon enfance. Je sais, ça fait cliché, mais c’est vraiment comme ça que j’ai vu les choses.
- Tu as participé au dernier congrès des herboristes, qui a eu lieu à Paris en avril, en tant que conférencier. Quel était le thème de ton discours?
J’ai fait une présentation sur les plantes qui peuvent nous aider à combattre les infections résistantes aux antibiotiques. C’est un sujet que je trouve fascinant. Ce problème est de plus en plus inquiétant en particulier dans les milieux hospitaliers (maladies nosocomiales résistantes). Les plantes ont évoluées avec les bactéries pendant bien plus longtemps que nous, et elles ont développé des mécanismes de défense très sophistiqués. Lorsque la molécule seule, l’antibiotique, ne fonctionne plus, il faut se tourner vers la plante, un être vivant contenant des centaines de composants agissant en synergie. J’ai parlé de quelques plantes très intéressantes comme celles qui sont riches en berbérine (épine-vinette, mahonia). J’ai parlé du genévrier, de l’usnée, des bidens. Ceci est un début de réflexion, une invitation à explorer ce sujet qui pourrait bien sauver des millions de vies dans le futur.
- Comment perçois-tu ce regain d’intérêt pour l’herboristerie autant par le public amateur que par les professionnels?
- Ton site est une véritable mine d’informations très bien documentées. Tu es intarissable sur n’importe quelle plante médicinale. Un vrai passionné?! Tes savoirs semblent illimités même
si, je suppose, tu apprends chaque jour davantage?
- Tu es humble, généreux et tu offres gratuitement sur ton site, à chacun d’entre nous, des conseils toujours avisés. Est-ce notre chère Gaïa, de nature, elle aussi, très généreuse qui te
guide dans cette voie?
- Tu as d’ailleurs ton propre jardin, où tu n’hésites pas à mettre les mains à la terre, à semer, « expérimenter ». C’est un véritable atout d’être
« jardinier-herbaliste », de voir grandir une plante, d’essayer de la comprendre…..
Le jardin est une pièce maitresse vers notre indépendance. Au moyen-âge, nous avions les jardins de monastères dans lesquels les moines cultivaient une multitude de médicinales pour rendre service à la communauté locale. Aujourd’hui, on peut créer sa petite herboristerie vivante. Chacun peut réfléchir à ses déséquilibres et créer un jardin adapté. De plus, cela nous connecte à la plante, l’être vivant. La plante ne pousse pas dans un livre. Lorsque l’on commence à s’intéresser aux plantes, on achète des livres et tout semble si simple. Problèmes de sommeil ? Valériane. Dépression ? Millepertuis. En réalité, pas si simple. Il faut prendre le temps, se poser, réfléchir à notre santé d’une manière globale, puis commencer l’expérimentation d’une manière prudente bien sûr. Valériane ? Pourquoi pas. Mais plutôt que d’acheter une boite de gélules, plantons quelques pieds de valériane au jardin. Ramassons la racine à l’automne, imprégnons nous de cette odeur si caractéristique. Tiens, d’ailleurs, pourquoi certaines gélules n’ont pas cette odeur forte ? Transformons la racine en teinture, prenons-en pendant quelques semaines, notons les changements. Ca, c’est un apprentissage qui nous servira au long terme, qui servira à nos enfants. Ce savoir, personne ne peut nous le prendre. Et le jardin est une pièce maitresse de cette stratégie.
- Pour aller jusqu’au bout de ta démarche, tu récoltes tes propres graines et tu les proposes à la vente. Dans une certaine mesure, tu participes à la (r)évolution du métier d’herbaliste
et de celle des graines….
- Le cycle de la Nature, de la Vie, de la Santé…. nous voyons que tout est lié dans le métier d’herbaliste. Dans ton jardin, y intègres-tu des notions d’agro-écologie? de
permaculture?
Je m’y suis mis il n’y a pas si longtemps, mais j’y crois fermement. Pendant mes premières années au jardin, j’ai passé mon temps à essayer de maitriser la base. Comment bien faire germer une graine de plante sauvage ? Une terre qui draine ça veut dire quoi ? Quelles sont les plantes qui aiment l’ombre ? Le soleil ? Puis je me suis mis aux concepts de permaculture. Je paille, je réfléchis à la diversité du jardin, aux écosystèmes, à la gestion de l’eau. Il me faudra encore plusieurs années pour bien établir ces concepts au jardin. Depuis mes débuts par contre, je n’utilise que des produits naturels : compost fait maison, fumier du berger du coin, etc.
- Et lors de tes cueillettes plus sauvages, comment abordes-tu les plantes que tu croises?
A mes débuts, j’aurais tout ramassé. La soif du débutant. Mes premières années, j’ai préparé des litres de teinture que je n’ai jamais utilisé. Je le regrette aujourd’hui. J’ai appris à cueillir d’une manière raisonnée et surtout je ramasse par petite quantité, uniquement ce dont j’ai besoin. J’ai d’ailleurs écrit une charte éthique de la cueillette sur mon site. C’est important car si nous nous remettons tous à la cueillette, il faudra être très prudent, respecter la plante afin qu’elle puisse nous servir pendant des générations. Aujourd’hui, je prends beaucoup de photos, je touche la plante, je la goûte, j’écrase quelques feuilles pour humer sa force mais je cueille beaucoup moins qu’avant. Simplement regarder la plante dans son habitat, me dire que ce petit bout de vie contient toute une alchimie qui peut soigner nos maux, je trouve toujours cela fascinant.
- Tu as rejoints le mouvement des femmes semencières, initié par Pierre Rabhi et Claire Chanut. Pourquoi?
Claire est une personne qui m’inspire. Elle est droite, vraie, c’est une femme de principe. C’est très rare de nos jours. Elle dégage aussi une force, une détermination hors du commun. Claire m’a fait l’honneur de me rendre visite plusieurs fois avec d’autres femmes semencières, et au fil des discussions, j’ai été convaincu par leur initiative. Notre indépendance commence au jardin, et cette indépendance dépend des graines que l’on veut nous interdire. On nous manipule sous un prétexte de protection. Il faut que l’on se batte pour la graine, pour la garder libre d’accès. Tout commence par l’alimentation, les graines potagères. Nous devons pouvoir nous nourrir seul, c’est notre droit. Mais la deuxième priorité est la graine de médicinales. De savoir que l’on veut nous interdire l’accès au végétal me semble tellement injuste. Le combat en vaut la chandelle, pour nous, pour nos enfants.
- Tu as crée ta propre formation de plantes médicinales de qualité professionnelle, ouverte à tous. Peux tu nous en dire plus? Quels sont tes souhaits en tant qu’enseignant?
Le premier module enseigne la fondation : cueillir la plante, la faire sécher, la transformer, les stratégies de dosages, les contrindications et précautions, les grandes familles de constituants des plantes, etc. Le module 2 couvre tout le système digestif. Le prochain module couvrira le système nerveux. Il me faudra encore un peu de temps pour finir tout cela. Jusque là les témoignages de ceux qui suivent les modules sont excellents. Je livre toutes mes stratégies de travail, sans retenue. Mes souhaits en tant qu’enseignant recoupent mes objectifs globaux :
- Enfin, tu as aussi écris des livres et tu participes à plusieurs magazines. Peux tu nous donner envie de les lire?